Saturday, 26 February 2011

Le débat pathétique sur le "multiculturalisme" en Europe


 
NIRMAL KUMAR BETCHOO 

Il n'est pas rare de constater que d'une semaine à l'autre, un des leaders européens s'indigne quant au concept du " multiculturalisme ", prétextant qu'il fait bien plus de mal aujourd'hui que par le passé. Il y a ici, comme prétexte, la montée de l'Islamisme et toutes sortes d'extrémisme capables de briser l'image de tolérance et de démocratie que la Constitution européenne veut montrer au monde. 

L'Europe, de ce fait, tente de se renfermer pour protéger l'intérêt de ses concitoyens et surtout de se prémunir contre toute atteinte à sa laïcité et sa liberté d'expression. Les déclarations se multiplient ainsi sans relâche comme celle du Premier ministre britannique, David Cameron, qui a clamé l'échec du multiculturalisme suivi du Président de la République Française, qui a clairement signifié son intention d'avoir une Europe corporatisée avec les valeurs fondamentales chéries des Européens. 

Ces arguments nous démontrent la montée des partis de droite ou d'extrême-droite en terre européenne avec la seule crainte que les tendances communautaires importées finiraient par affaiblir leur position. La culture européenne comprendrait alors le respect de l'individu, la liberté d'expression et, surtout, une façon de penser qui est en ligne avec la Constitution européenne. Ajoutons à cela, la tenue vestimentaire qui doit désormais se défaire des " hijabs " ou " burkas ". Du côté de l'extrême-droite, Marine Le Pen a démontré que la position de son parti allait totalement à l'encontre de ceux qui consomment le " halaal " ou ceux qui ont des intentions contre la société française. 

L'Europe désunifiée
Ces arguments sévères envers les immigrés et leur culture tendent à montrer une Europe moins unie qu'auparavant. Utiliser le terme " multiculturalisme " comme aveu d'échec par pas mal de dirigeants - ces idées témoignent bien d'une certaine peur de l'autre ou encore d'une forme de xénophobie déguisée qu'on est en train de présenter au monde. Les " Roms " ont été chassés de France comme des bêtes l'an dernier car ils étaient vus comme des citoyens de seconde classe avec une culture d'assistés qui n'était pas en adéquation avec celle de l'Europe. Venant des pays de l'Est, dont la Roumanie et la Hongrie, les Roms ont aussi été victimes de ce multiculturalisme. 

Mais, il y a une ironie à tout cela. Au moment de son intronisation comme Président de la République Française, le Président Sarkozy parlait d'un bassin méditerranéen s'étendant des basses côtes françaises et de la partie sud de l'Italie et touchant les rivages des anciennes colonies françaises dont La Tunisie, l'Algérie ou plus loin, L'Egypte. Déjà, ce bassin donnait des idées quant à la réglementation de la situation des immigrés venant du Maghreb, mais, en contrepartie, parlait du développement de ces pays qui méritaient de sortir de leur sous-développement. 

Après presque cinq ans de son mandat, cette zone économique n'a jamais pris forme alors que les pays de la région se voient confrontés aux manifestations de la rue et au désespoir de leurs peuples qui n'ont nullement progressé économiquement. Ainsi, le flux d'immigrés vers les espaces plus verts ne cesse d'accroître alors que le problème de fond reste encore entier. 

Rejeter le multiculturalisme par facilité
Ainsi, les pays de l'Ouest, dont les pays nantis d'Europe, ont cru bon de tirer un trait sur le " multiculturalisme ". Etant devenus moins prospères ces derniers temps et lourdement pénalisés par la crise financière, ces pays-là rebutent le " multiculturalisme " comme élément déstabilisateur à leur progrès. Voilà que les remarques contre les immigrés, et surtout, contre les communautés épousant l'Islam commencent à faire débat. 

Où est le vrai problème ?
La faillite du " multiculturalisme " vient tout d'abord des gouvernants. D'un point de vue historique, ces pays de L'Europe de l'Ouest, dits développés, ont absorbé la main-d'œuvre étrangère depuis une cinquantaine d'années après avoir cédé l'indépendance à ces peuples colonisés. Voulant reconstruire le Vieux Continent après la Seconde Guerre mondiale, les pays riches ont misé sur ces types de travailleurs bon marché pour faire développer leurs économies. 

Par la suite, ce sont les enfants des immigrés qui sont devenus grands et qui cherchent à se faire un nom et à avoir une reconnaissance au sein de ces sociétés où ils ont vécu. Et voilà que certaines démonstrations de violence commises par quelques brigands viennent embraser la conscience des leaders européens ! 

Ajouté à cela, la menace persistante d'Al-Qaïda qui a pris pour cible certains jeunes des minorités tout en les faisant pratiquer un extrémisme capable de froisser l'Occident. Les problèmes et menaces ont surgi dans certains endroits chauds et ont stigmatisé les minorités. 

Le multiculturalisme n'a pas failli
Les arguments contre le " multiculturalisme " semblent être des dialogues pourvus d'émotions et de relents communautaristes. Si autant d'étrangers existent dans ces sociétés diverses, c'est que leur intégration aura été réussie car ils ont apporté de la main-d'œuvre tout en vivant dans la précarité. La France peut parler d'immigration " choisie " en voulant faire venir la crème de ces sociétés colonisées d'antan. L'argument peut être justifié mais, en revanche, ne plaide pas en faveur de ces élites qui seraient toujours plus utiles pour leur pays que pour leur patrie d'adoption. 

En passant, les lois d'immigration restent sévères et ne laissent filtrer que peu de clandestins. Donc, le " multiculturalisme " cible ceux qui vivent généralement en paix et en harmonie dans les sociétés qui les ont adoptées depuis belle lurette. Soutenir que le port de certains habits ou la pratique de la religion va à l'encontre des principes d'une Europe sécularisée reste une farce. 

Il est, à la fois, réconfortant de voir les dirigeants européens tirer la sonnette d'alarme contre les étrangers car cela reflète aussi la diplomatie européenne qui est en panne et qui ne cherche qu'à se mettre à l'abri des étrangers. D'autre part, il est étonnant de voir comment des sentiments de haine opposent les dirigeants européens aux immigrés. 

Après tout, le " multiculturalisme " sera un thème nuancé. D'une part, David Cameron invite les Turcs à venir se joindre à l'Union européenne et d'autre part, la France veut qu'on impose des conditions à la Turquie pour se joindre au club bientôt élargi de trente membres. Entre les deux opposants, il y a une chose qui les réunit. C'est le " multiculturalisme " qu'ils prennent à contre-courant en langue de Shakespeare ou de Molière. 

A Maurice, nous trouvons ces propos déplacés car nous épousons le " multiculturalisme " sans gêne et avec tant de compromis et de tolérance, comme trouver une entente entre Mc Donald et Iskcon. Le dénouement nous dira si nous suivons le diktat des Européens comme " valets de chambre " ou si nous nous dissocions de leur point de vue farfelu.

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