Tuesday 18 October 2011

* Tous accrocs ?


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Achille Weinberg 
John Gierach, grand pêcheur à la mouche devant l’éternel, est obnubilé par sa passion. Dans Même les truites ont du vague à l’âme (Gallmeister, 2011), il raconte que lorsqu’il a connu sa femme, il l’avait prévenue : « Je ne fume pas, je ne bois pas, je suis un type fidèle, mais je dois t’avertir : je suis pêcheur à la mouche. » Vingt ans plus tard, elle reconnaissait qu’à tout prendre, elle aurait peut-être préféré les trois autres vices.


Un de mes amis se définit comme « obsédé textuel ». Pas sexuel, textuel ! Et de m’expliquer les signes de sa « texicomanie ». «  Je suis obsédé par la lecture. Je ne conçois pas une journée sans un moment libre pendant lequel me mettre à l’écart pour lire au moins quelques pages. Il me faut une dose quotidienne, sans quoi je me sens mal. 


– Mais c’est une passion, pas une addiction !


– Quelle différence ? Mon envie de lecture va bien au-delà de toute consommation raisonnable. Ma vie est dominée par les livres. Chez moi, les bibliothèques croulent sous le poids des livres ; les piles s’amoncellent. Je deviens de plus en plus un “no life”, coupé du monde et centré sur mon paradis artificiel. J’ai une soif insatiable et j’en ramène toujours de nouveaux à la maison, comme un boulimique. Je ne peux pas passer devant une librairie sans craquer. Sans parler du syndrome de manque quand je suis privé de lecture. Je me sens aussi comme un drogué qui se shoote à la lecture pour fuir le monde réel. Il y a quelque chose qui relève aussi de l’achat compulsif dans ma maladie.

– Diable ! Ça à l’air grave ! Il faudrait peut-être que tu te soignes. »

En principe, l’addiction peut s’appliquer à toute une série de comportements. Les récents traités d’addictologie distinguent en général les addictions avec produits (alcool, tabac, drogue, psychotropes, parfois thé et café) et les addictions sans produits (jeux pathologiques, cyberaddiction, achats compulsifs, addiction au travail [workalcoholism], sport ou sexualité). Et – pourquoi pas ? – la télévision, le chocolat, la collection de timbres ou, donc, la lecture… Et même l’amour. Stanton Peele, le psychiatre américain qui a révolutionné l’approche de l’addiction considère que l’amour passionnel possède tous les critères de la dépendance : le besoin irrépressible de la présence de la personne aimée, un désir incontrôlé, les idées obsédantes tournées vers l’être aimé, le syndrome de manque en cas d’absence (1)… 


L’addiction est une idée nouvelle. Pendant longtemps, l’alcoolisme, le tabagisme et les diverses toxicomanies relevaient de champs scientifiques et cliniques différents. Ce n’est que depuis les années 1980 que le terme « addiction » a émergé – d’abord dans le vocabulaire de la psychiatrie nord-américaine – pour désigner des phénomènes communs à toute une série de dépendances avec ou sans substances. C’est ainsi qu’est apparue une nouvelle discipline, « l’addictologie », qui regroupe des domaines jusque-là séparés. 


La perte de la liberté de s’abstenir


Le rapprochement entre les différentes dépendances s’appuie sur une évidence apparente : il n’y avait guère de raison de ne pas réunir l’alcool, le tabac et les drogues dans une catégorie commune. Le rapprochement avec des addictions sans produits (le jeu, les achats compulsifs) était moins évident : la dépendance est un phénomène si général (nous sommes dépendants par nature) que l’on voit mal comment isoler un phénomène addictif parmi d’autres. « Nous naissons tous dépendants », souligne William Lowenstein, spécialiste des addictions (2). 


La dépendance n’est peut-être pas un critère suffisant pour parler d’addiction. Il est possible que ne pouvoir se défaire d’un comportement soit un critère plus restreint. Le médecin français Pierre Fouquet avait défini l’alcoolisme comme « la perte de la liberté de s’abstenir » : voilà une bonne définition de la dépendance qui peut facilement être généralisée à d’autres produits ou pratiques.


Mais, du coup, où situer les limites ? Si le tabac, l’alcool, les drogues et les médicaments psychotropes créent des dépendances comprises, pourquoi ne pas y inclure le chocolat ou le sucre ? Il a été démontré en 2007 par une équipe de chercheurs de l’université de Bordeaux que le sucre a un potentiel d’addiction supérieur à la cocaïne (3) ! Toutes les personnes qui cherchent à perdre du poids avec grand mal peuvent selon les mêmes critères être considérées comme addict à la graisse, aux féculents ou aux sucreries. En matière d’addiction sans produits, pourquoi ne pas y intégrer la télévision (trois heures et demie quotidiennes dans les pays développés) ? L’écrivain Jean-Philippe Toussaint a écrit un roman autobiographique racontant l’histoire d’un homme cherchant à se défaire de l’emprise de la télévision. Les premiers temps, il ressentait tous les signes du manque : nervosité, difficulté de se concentrer sur d’autres choses, envie irrépressible d’allumer son poste (4). Certains ressentent la même chose lorsqu’ils sont privés de leur ordinateur.


Faudrait-il limiter la définition de l’addiction aux dépendances « néfastes » à la santé ou à l’équilibre psychique de l’individu ? C’est le cas pour le tabac et l’alcool (90 000 morts par an en France à eux deux). Mais, dans ce cas, personne n’est jamais mort d’une overdose de cannabis. Et à partir de quand la consommation d’écran ou de sexe est-elle morbide ? Comme le font remarquer Marc Valleur et Jean-Claude Matysiak, les critères de nocivité d’une addiction comportent toujours une part morale. La masturbation était considérée au XIXe siècle comme une forme d’addiction : non seulement parce que l’individu semblait « possédé » par un désir irrépressible parce que sa pratique était compulsive, mais parce qu’on la jugeait destructrice et « inadaptée » par rapport au destin normal de la sexualité. 


Au final, l’addiction se présente comme un conglomérat de pratiques qui suscitent la dépendance et sont jugées néfastes. Mais il faut admettre que le champ pourrait être plus vaste ou plus restreint selon les critères. 

En dépit de son imprécision, si le thème de l’addiction a pris une importance croissante dans nos sociétés, c’est aussi parce qu’il renvoie aussi à une préoccupation commune des consommateurs voraces que nous sommes tous devenus. 


Nous vivons dans une société d’hyperconsommation et sommes cernés, sollicités et stimulés de toutes parts. Des boissons en libre-service, des frigos et des placards remplis, des milliers de chaînes de télévisions, des millions de sites Internet : autant de produits attractifs qui nous sollicitent en permanence.


Comment devient-on dépendant ?


Dans une expérience célèbre qui date de 1954, des chercheurs avaient implanté des électrodes dans le cerveau de rats, plus précisément dans une région que l’on désigne aujourd’hui comme le circuit de la récompense. Ces électrodes étaient reliées à un levier sur lequel le rat pouvait appuyer pour s’envoyer lui-même de petites décharges dans ce « centre du plaisir ». Au bout de quelque temps, le rat se stimulait frénétiquement, oubliant même de se nourrir. Le circuit de la récompense est aujourd’hui considéré comme un circuit majeur dans la dynamique neurobiologique de la dépendance. Avec la télécommande de la télévision, le clavier d’ordinateur, le téléphone portable et les distributeurs de boissons, nous ressemblons un peu à ses rats en cage : nous nous shootons à longueur de journées à coups de petits produits de divertissement ou de produits à haute valeur addictive : du tabac à l’écran, du sucre au téléphone portable. 


Les humains ont vécu pendant la plus grande partie de leur histoire sous le régime de la rareté. Leur monde était pauvre et leurs possibilités limitées pour tous les produits autres que courants, de l’alcool à l’information. Voici seulement une ou deux générations que nos sociétés sont entrées dans le régime de l’abondance. Des biens de consommation de toutes sortes s’étalent dans les supermarchés qui mettent à portée de main une offre opulente.


Voilà pourquoi l’addiction apparaît comme un mal très répandu – la nouvelle maladie du siècle – qui semble toucher tout le monde ; nous sommes tous plus ou moins addict et piégés par nos propres envies. Selon M. Valleur et J.‑C. Matysiak, le sentiment d’addiction généralisé provient d’un fait de société : stimulés de toutes parts par la société d’abondance, dans « un monde libre et sans tabous », nous sommes devenus « malades du désir » (5). 


Une société addictive ? 


Si nos sociétés sont potentiellement addictives, tout le monde ne devient pas pour autant alcoolique, toxicomane, fumeur, acheteur compulsif ou accro aux jeux vidéo. En matière de drogues, les spécialistes prennent soin de distinguer les niveaux de consommation, entre l’usage simple (occasionnel et à risque réduit), l’usage à risque (ouvrant la possibilité de dommages), l’usage nocif (comportant déjà des dommages), et l’usage de dépendance (le sujet ne pouvant plus s’arrêter sans traverser une période de sevrage) (6). On estime par exemple qu’en France, il y a 14 millions « d’expérimentateurs » qui ont déjà fumé un joint au moins une fois, souvent par curiosité. Mais seule une minorité devient des fumeurs plus occasionnels (à usage festif) et encore moins deviennent des consommateurs réguliers. La dépendance est définie selon l’OMS comme une consommation débridée marquée par l’incapacité de gérer sa propre consommation, par l’accoutumance (ou tolérance) au produit exigeant une augmentation continue des doses pour un même effet, par un syndrome de sevrage en cas d’arrêt. En matière de drogues ou d’alcool, il n’y a donc pas d’un côté des consommateurs « normaux » et de l’autre des « pathologiques » : la population se distribue selon un continuum qui va de l’abstinent au toxicomane en passant par tout un spectre de situations intermédiaires. 


La plupart des spécialistes récusent même une autre idée reçue : la « théorie de l’escalade » qui voudrait que la première bouffée de haschich conduise à la consommation de drogues dures ou à l’expérimentation de la dépendance par effet d’engrenage. Pas plus que la première gorgée de bière pousse à devenir alcoolique.


Reste donc à cerner quels sont les facteurs qui conduisent certains vers la dépendance. En d’autres termes, comment devient-on alcoolique, fumeur, toxicomane ou accro aux médicaments ? Les théories ne manquent pas. Elles se distribuent autour des grands paradigmes des sciences humaines. Les uns font la part belle aux facteurs sociaux et historiques, les autres aux causes psychologiques, d’autres encore recherchent des fondements génétiques ou neurologiques. 


Les facteurs


Les analyses de type historique, sociologique et anthropologique mettent en avant les facteurs sociaux de l’addiction. Les études épidémiologiques confirment cette évidence : être élevé dans un milieu où boire est une habitude – à table, à l’apéritif, au pub, où il est d’usage de se saouler à la vodka ou la bière – prédispose évidemment à la boisson. En clair, on trouve plus d’alcooliques en Irlande et en Russie que dans les pays musulmans. 


Au-delà du milieu, il y a ensuite des facteurs plus situationnels qui poussent à consommer. Au sein d’une population donnée, les épreuves de la vie (conflits interpersonnels, frustrations, échecs, stress, solitude, chômage) poussent à la consommation de produits anxiolytiques comme l’alcool ou les médicaments antidépresseurs. 


À l’inverse, la cocaïne ou les amphétamines qui sont des stimulants permettent d’augmenter les performances ou de « tenir le coup » face à un rythme de vie épuisant. Voilà pourquoi la coca est mâchée par les paysans des Andes, elle diminue leur fatigue. Voilà pourquoi les amphétamines ont connu leur heure de gloire dans les années 1950 : Jean-Paul Sartre en croquait des tubes pour augmenter sa capacité de travail. Aujourd’hui, la cocaïne tend à s’étendre de la consommation festive dans les milieux branchés à un usage plus étendu dans le milieu professionnel. 


Le milieu est une chose, la façon dont l’individu y fait face en est une autre. En matière d’addiction, l’influence du milieu et du contexte ne suffit pas à tout expliquer. Il existe une abondante littérature consacrée aux causes personnelles des addictions, allant des études médicales cherchant d’éventuelles prédispositions génétiques à l’alcoolisme ou à la drogue à l’approche psychanalytique pour laquelle le sujet toxicomane cherche à combler un manque affectif, lié à son passé (7). 


Les drogués ou les alcooliques ont souvent conscience des causes extérieures qui les ont poussés à consommer (entourage familial, influence d’un ami, moment de déprime). Il n’empêche que la plupart d’entre eux insistent aussi sur leur liberté de choix, leur volonté délibérée de fumer, de boire ou de se droguer. Cette part volontaire et « assumée », dans la décision de consommer puis d’arrêter, n’est plus prise à la légère par les psychologues (qui s’intéressent aux représentations et stratégies mentales), les sociologues (qui prennent en compte la réflexivité du sujet) (8) ou même le philosophe (dont la vision est centrée sur l’intentionnalité ou la morale ordinaire du consommateur) (9). À la différence du pain ou des pâtes, que l’on mange par routine, l’alcool, le tabac ou les drogues font aujourd’hui suffisamment l’objet d’alertes, de mises en garde et d’interdits pour que le consommateur cherche à contrôler ou à justifier son addiction. Cette part d’évaluation personnelle (plus ou moins lucide) et l’intense réflexivité qui l’accompagne (« je contrôle », « demain j’arrête », etc.) ont un effet réel sur la dynamique de consommation. L’entrée, le maintien et la sortie d’une addiction quelle qu’elle soit passent par cette dynamique interne d’autocontrôle. Fumer ou boire ne va plus de soi, manger non plus d’ailleurs. La lutte contre ses propres dépendances est devenue un enjeu personnel pour chacun. 


Le triangle de l’addiction 

Après le milieu et l’individu, un troisième élément entre en ligne de compte dans l’addiction : le produit ou l’activité. Il est des produits ou des activités plus addictifs que d’autres. Le tabac, l’héroïne produisent des addictions dont l’effet le plus manifeste est le syndrome de dépendance. Le syndrome de manque est plus ou moins fort selon les drogues. Il peut aller jusqu’au delirium tremens pour les alcooliques, aux sueurs pour le drogué en manque… Globalement, même un joueur addict ou un gros mangeur peuvent ressentir un syndrome de manque. Quand on prive le glouton de sa part de sucre et de graisse, il éprouve une sensation de faim qui s’exprime sous forme d’idées intrusives et obsessionnelles, de difficultés de concentration, d’irritabilité. 


Les toxicologues parlent de « potentiel addictif ». Certains produits ont effectivement un potentiel addictif plus rapide (tabac, crack, métamphétamines, opiacés) que d’autres (cannabis, cocaïne, benzodiazépines). La distinction entre dépendance biologique et dépendance psychologique est en revanche moins évidente qu’il y paraît. 


Claude Olivenstein, qui fut l’un des grands spécialistes français de la toxicomanie, indiquait qu’une addiction naissait de la rencontre entre trois éléments : « Un produit, une personnalité et un moment socioculturel. » Le moment socioculturel est celui du milieu qui favorise ou non la consommation, la personnalité est plus ou moins disposée et prédisposée, enfin le produit lui-même est plus ou moins addictif. 


L’idée d’un « triangle addictif » souligne que l’addiction ne répond pas à un déterminisme à sens unique, à une logique implacable et à un engrenage infernal. Au contraire, les spécialistes soulignent au contraire que le phénomène est multifactoriel et suit surtout une dynamique mouvante faite de phases d’arrêt, de rechutes, de consommation plus intensive et de sevrage. Ce processus dynamique montre qu’il existe de multiples voies d’entrée dans l’addiction et donc de multiples voies de sortie. À condition de le vouloir. Ce qui n’était pas le cas de mon ami texicomane.

NOTES
(1) Stanton Peele, Love and Addiction, Taplinger, 1975.
(2) William Lowenstein, Ces dépendances qui nous gouvernent. Comment s’en libérer ?, Calmann-Lévy, 2005.

(3) Magalie Lenoir et al., « Intense sweetness surpasses cocaine reward », PLoS one, 1er août 2007. Voir aussi Nicole Avena et al., « Evidence for sugar addiction », Neuroscience and Biobehavioral Review, vol. XXXII, n° 1, 2008.

(4) Jean-Philippe Toussaint, La Télévision, Minuit, 1997.

(5) Marc Valleur et Jean-Claude Matysiak, Le Désir malade. Dans un monde libre et sans tabous, Lattès, 2011.

(6) Alain Morel, François Hervé et Bernard Fontaine, Soigner les toxicomanes, 2e éd., Dunod, 2003.

(7) Voir Paul-Laurent Assoun, « Psychanalyse et addiction », in Éric-Pierre Toubiana (dir.), Addictologie clinique, Puf, 2011.

(8) Voir Fabrice Fernandez, Emprises. Drogues, errance, prison : figures d’une expérience totale, Larcier, 2010.

(9) Voir Patrick Pharo, Philosophie pratique de la drogue, Cerf, 2011.

Addictions : Comment s'en sortir ?

Après avoir mené une enquête approfondie auprès d’alcooliques et de toxicomanes français et américain, le sociologue Patrick Pharo en est venu à cette conclusion simple : ce sont les mêmes raisons qui poussent les gens à se droguer et à vouloir s’en sortir – la recherche du plaisir et de l’évasion (1). La drogue et l’alcool sont un bon moyen pour se sentir bien et fuir ses problèmes. Mais la drogue ou l’alcool deviennent peu à peu des fardeaux trop lourds à porter. C’est donc encore l’envie de se libérer et de retrouver son bien-être qui conduit à vouloir sortir de leur emprise.


Mais comment faire ? Les facteurs de l’addiction sont les mêmes que ceux qui permettent d’en sortir : certains relèvent de la pression sociale, d’autres dépendent de la personne elle-même, d’autres enfin sont liés au produit et à son potentiel addictif.


• Interdire n’empêche pas la consommation, mais la limite. En matière d’addiction, la pression sociale est déterminante. Depuis les mesures prises pour lutter contre le tabagisme (augmentation des prix du tabac, interdit de publicité, interdiction de fumer dans les lieux publics, campagnes de sensibilisation), la consommation a diminué : le nombre de fumeurs a baissé de 10 % en France depuis le début des années 1990. 


Cela dit, l’interdiction totale n’est pas une solution comme l’ont montré les politiques de prohibition des années 1920 aux États-Unis. De même, l’interdit actuel sur les drogues n’empêche ni le trafic ni la consommation. 


• Agir sur le contexte plutôt que sur le produit. Si le milieu pousse à boire, à fumer, ou à se droguer, on peut aussi retourner l’influence sociale dans l’autre sens. Les groupes de soutien comme les Alcooliques anonymes, l’aide psychologique, les centres de désintoxication et les communautés thérapeutiques proposent ainsi une prise en charge globale de l’individu où le poids du groupe est déterminant (2). Les TCC (thérapies comportementales et cognitives) recommandent d’éviter les lieux, les personnes et les contextes qui poussent à la consommation. 


L’américain Stanton Peele a proposé une nouvelle approche de la toxicomanie dans les années 1980. Au lieu de considérer l’addiction comme une maladie causée par un toxique (alcool, tabac, drogue), il envisage le contexte psychosocial qui pousse une personne à consommer une drogue (lutter contre l’angoisse par exemple) : c’est donc en changeant ce contexte pathogène que l’on parvient éviter de consommer plutôt qu’en cherchant à supprimer le produit (3). 


• La volonté ne suffit pas, mais elle est indispensable. Si la pression sociale joue un rôle déterminant, elle ne saurait suffire. La toxicomanie n’est pas une maladie que l’on peut soigner par un traitement qui ne prendrait pas en compte la volonté du toxicomane. La détermination active du sujet est une condition impérative pour tout sevrage. Le cycle de Prochaska bien connu des tabacologues décrit les six étapes de changement d’un fumeur souhaitant arrêter : elle montre que les étapes psychologiques de l’arrêt passent obligatoirement par une phase de l’intention tourmentée (je dois et je vais arrêter), une phase de préparation mentale (où la personne s’informe, prend conseil, se stimule pour arrêter), une phase critique de décision et de passage à l’acte (souvent après un événement déclenchant), et que ces étapes d’autocontrôle sont des passages obligés précédant tout sevrage. 


Les techniques de changement (des groupes de soutien aux psychothérapies) supposent donc des techniques mentales d’autoanalyse et d’autoconditionnement indispensables pour stimuler sa motivation, affronter ses peurs, ruser avec ses faiblesses et affronter ses échecs. 


• Remplacer une addiction négative par une addiction positive. Certains produits fortement addictifs créent une dépendance physique forte conduisant à un syndrome de dépendance en cas d’arrêt. C’est le cas pour l’alcool, le tabac et les drogues (4). 


Les addictologues ont mis en place des protocoles de sevrage qui s’appuient sur des produits de substitutions comme la méthadone (proposée aux héroïnomanes), des patchs ou de fausses cigarettes pour le tabac. 


Sachant que toute privation est frustrante, l’idéal n’est peut-être pas de supprimer les addictions, mais de remplacer une addiction négative par une addiction positive. L’ancien fumeur qui s’est remis au sport ressentira ensuite un besoin de marcher et de courir. L’ancien alcoolique qui a retrouvé le goût de vivre sera d’autant mieux sorti d’affaire qu’il aura trouvé un équilibre affectif, une passion extérieure… et donc d’autres bonnes addictions. 

NOTES
(1) Patrick Pharo, Philosophie pratique de la drogue, Cerf, 2011.

(2) Voir Michel Lejoyeux (dir.), Addictologie, Masson, 2008.
(3) Cette approche a eu une importance, notamment au Canada. Voir www.drogues-sante-societe.org/vol9no1/DSS_v9n1_complet.pdf

(4) Consulter www.upmc.fr/fr/recherche/pole_4/en_direct_des_laboratoires/nicotine_et_dependance.html

1 comment:

  1. Escapism from the real world is evoked in the article, as a cause of addiction. Perhaps the real world is not enough pleasurable, depending on the context of the person as well as his own genetic and psychological make-up. Passionate love is an addiction ... couldn't agree more and on a less noble tone, perhaps passionate love (and even obsession) is about the addiction itself more than the person who is the object of the reaction although we do not realise it given our brain is restructured in such cases as infatuation. Any form of addiction, although to the external observer it seems beneficial to the person, in fact makes the person prisoner to his/her dependence. Given the perspective of consumerism, society is even dependent on addiction (no pun intended) for its proper functioning. It can even push towards new development in an attempt to find more intense pleasures like new mobile phones on the market. As the article discusses, addiction is complex and it is difficult to know where to draw the line for those addiction which are outside social norms and not. My attempt at summarising addiction in a nutshell is any repetitive behaviour that goes to the point of no longer being under the conscious control of the person expressing such behaviour. The symptom that leads to addiction is a lack of pleasure in the larger sense of the term pushing people to compensate with a form of addiction. Addiction has been categorised within the process of self-sabotage by some in psychology. Addicts tend to use excuses and delusional thinking to avoid painful realities and hide in pleasurable unreal worlds. That’s how talented people get ruined as they feel numb and their lives no longer having meaning. They then resort to addiction as a means to please themselves and create an artificial world of pleasures. Social anxiety and expectations in a fast society, like today, is I think the key problems that lead to addictions among young people.

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