Tuesday, 13 March 2012

Aanas Ruhomaully désintoxique l'identité mauricienne

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La célébration de l’indépendance amène, comme chaque année, son lot d’appels pour davantage de mauricianisme et l’expression du regret qu’après quarante-quatre ans, on n’est pas encore une nation.

Ainsi, on n’est pas assez Mauricien. On apprend qu’on doit n’être que Mauricien, qu’on doit être Mauricien avant tout ! Sinon, on est suspect.

C’est quoi le mauricianisme, au juste ? Un patriotisme mièvre ? Un nationalisme comme un autre ? Un pot-pourri des valeurs universelles comme la justice, la paix, le bien etc.… ? Ou, pire, du fascisme à un stade embryonnaire ? Ceux qui prônent pour plus de mauricianisme auraient bien du mal de le définir.

Mais, ceux qui (bien intentionnés, sans doute) disent qu’il faut être mauricien avant tout — sont-ils conscients que ceux qui tiennent un discours équivalent en Europe sont les partisans du FN en France et la BNP en Grande-Bretagne ?

Et ceux qui tirent une certaine gloire à ne se définir que comme Mauricien — réalisent-ils combien cela est réducteur et étroit ! L’identité d’une personne ne se résume pas qu’à sa nationalité.

Ni qu’à sa religion, son genre ou ses goûts artistiques d’ailleurs.

Amartya Sen, prix Nobel d’économie d’origine indienne, l’a merveilleusement expliqué : selon les circonstances dans lesquelles on se trouve, telle ou telle composante de notre identité nous serait plus utile — la nationalité quand on passe par l’immigration à l’aéroport, le fait d’être végétarien dans un dîner, etc… Une identité souple !

On dit souvent de ceux qui déclarent qu’ils croient en toutes les religions qu’ils sont de vrais Mauriciens. C’est peut-être possible mais je n’ai jamais compris comment on peut croire en l’unicité absolue de Dieu et la Trinité ou le culte des saints en même temps, comment on peut être monothéiste et polythéiste à la fois. Ne croyez pas, par exemple, au musulman qui proclame qu’il croit en toutes les religions — soit il ment soit il ne sait pas de quoi il parle. Par contre, s’il vous dit qu’il ne croit pas ce que vous croyez, mais qu’il respecte votre croyance, il est beaucoup plus crédible.

Une fois qu’on deviendrait des Mauriciens, gare aux étrangers ! Mais pas tous quand même. On établirait bien une hiérarchie des nationalités que nous tolérerons — ceux qui viennent des pays puissants et riches, du premier monde, par exemple. Les autres n’auront qu’à bien se tenir. On ne se contenterait plus de mépriser ces Bangladeshis, Chinois ou Malgaches, ces pauvres gens, on les traquerait et on les casserait là où on les trouverait. On pourrait même solliciter l’expertise française (l’heure est au partenariat stratégique) — eux qui ont perfectionné l’art de la ratonnade jadis en Algérie.

Et une fois qu’on serait de vrais Mauriciens, il y faudrait bien songer à identifier les faux. Qui seront ces faux Mauriciens ? Ceux qui ont voté contre l’indépendance, ceux qui détiennent la double nationalité, ceux qui travaillent ou résident à l’étranger, ceux dont les ancêtres ont exploité les esclaves ou les coolies, les Rodriguais, Agaléens, Chagossiens ? Une fois cette liste établie, on les vouerait alors à l’opprobre et à l’ostracisme ? Et moi qui n’atteins pas l’extase en écoutant l’hymne ou en contemplant le drapeau national, suis-je un vrai Mauricien ? Ou un traître à la patrie ?

Il n’y a aucune nation à bâtir. Le concept de nation ou d’Etat-nation est dépassé et ne cesse de montrer ses limites dans le contexte mondial actuel. S’il y a quelque chose à bâtir ce sont des institutions fiables — une ICAC vraiment indépendante, une MBC moins lèche-bottes, une police « dan ki so gounda pena triyaz », entre autres.

Il n’y a aucun sentiment nationaliste à réveiller. Bien au contraire, il faut l’administrer un puissant somnifère ou mieux encore l’étouffer dans son sommeil. S’il faut réveiller quelque chose c’est le bien qui est intrinsèque du cœur humain. C’est l’humanité qu’on partage avec sept milliards d’êtres.

Nous n’avons que faire des Mauricianistes ! Un Mauricien est quelqu’un qui détient le passeport de la République de Maurice. Point. Une simple question administrative. Ni supérieur ou inférieur à celui qui détient celui du Mozambique, de la Norvège ou du Népal.

Le mauricianisme, concept creux et vague, n’est nullement un remède contre les fléaux de notre société. Etre plus Mauricien ne ferait pas de nous des gens plus justes, plus pieux, moins racistes, moins idiots, plus pour la méritocratie et plus soucieux de l’équilibre écologique.

Des cancres et des véreux sous couvert de patriotisme ont comploté pour chasser Konrad Morgan de l’Université de Maurice et Bert Cunningham de la douane, respectivement. Apparemment, ces étrangers ne connaissaient pas les réalités mauriciennes. Peut-être un critère à inclure dorénavant dans des appels à candidatures ! Et ces Mauriciens qui travaillent à l’étranger, leur demande-t-on de connaître les réalités anglaises, canadiennes ou néo-zélandaises ?

Air France, on apprend, compte exploiter les lignes sur l’Europe que Air Mauritius va abandonner car elles sont apparemment déficitaires. Drôle de partenariat ! Il y a pourtant tant des patriotes sur le conseil d’administration de la compagnie d’aviation nationale. La crème de la crème, l’élite, que l’abolition du CPE empêcherait de faire émerger, des gens compétents, comme toutes les personnes nommées par le premier de nos patriotes, le Premier Ministre.

Il n’y a que des esprits chagrins qui trouvent que ce rassembleur autoproclamé (des parasites ?), qui ne manque aucune occasion de déclarer combien il aime son « pey », nomme des gens qui « morpionnent » les conseils d’administration des corps paraétatiques et « croupionnent » des institutions jadis respectables.

Qui trouve qu’il n’est que le primus inter parasites…

Ceci dit….bon anniversaire…

2 comments:

  1. Ruhomaully a bien raison de ridiculiser les solgans 'mauricianistes' qui fleurissent depuis quelques années. Ce sont des écrans de fumée créés par la bourgeoisie pour nous endormir devant la réalité de ce qu'est devenue cette île : un cloaque industriel.

    Mais lorsque Ruhomaully dit ceci : "Mais, ceux qui (bien intentionnés, sans doute) disent qu’il faut être mauricien avant tout — sont-ils conscients que ceux qui tiennent un discours équivalent en Europe sont les partisans du FN en France et la BNP en Grande-Bretagne ?" il manque de pertinence.

    Le nationalisme est un concept mis à toutes les sauces et bien évidemment lui aussi récupéré par les bourgoisies du monde entier. Mais le nationalisme, une fois rendu à ses propriétaires légitimes, les peuples enracinés dans leur patrie et leurs terroirs, est un concept qui a été brandi par des mouvements révolutionnaires de libération populaire. Castro à Cuba, Chavez au Venezuela, Lumumba au Congo, ont mobilisé les gens autour de ce concept patriotique, la NATION, le seul refuge de grande importance que l'on pouvait espérer être capable de défendre le peuple des colons envahisseurs transnationaux. Hélas... cette pauvre nation n'a été très vite que l'ombre d'elle-même, travestie comme jamais et terriblement malmenée par les manipulateurs de toutes sortes.

    La NATION n'est pas un concept d'extrême droite.

    Je veux pouvoir m'identifier à une île Maurice qui ne soit pas celle des possédants, des clans, des conseils d'administrations, des bureaux politiques et des agences de publicité. Est-ce encore possible ? Il y a sans doute une révolution à accomplir auparavant.

    Dommage que l'on ne rappelle jamais le magnifique projet qu'avait eu Malcolm de Chazal en écrivant Petrusmok : créer de toutes pièces un imaginaire mythique mauricien auquel nous aurions pu nous identifier pour créer une culture originale.

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  2. "il y a beaucoup de choses que certains Mauriciens devraient réapprendre, comme apprécier vraiment tout ce qu’ils ont, ce qu’ils partagent. Malheureusement, ils ne l’apprécient que quand ils sont à l’étranger. Ils s’en rendent compte soudain quand ils rencontrent d’autres Mauriciens. Il y a donc une identité, on ne peut pas l’expliciter, la décortiquer. On ne peut pas nécessairement la mettre en mots. Mais elle est là, très présente." Ananda Devi says here

    Yes, indeed. It's only when you're in the desert that you long for shade.

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