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Les relations entre les entreprises et leurs clients sont truffées de conflits d’intérêts sur fond d’hypocrisie, de marketing et de pub. Car au bout du compte, les entreprises commerciales veulent obtenir de leurs clients les plus grosses sommes d’argent possibles, tandis que ces derniers veulent débourser un minimum. La fidélisation des clients est la principale motivation qui pousse les entreprises à bien traiter leur clientèle. Rien de nouveau jusque là.
Mais les entreprises tiennent à présent à nous convaincre qu’elles sont nos gentilles amies et qu’elles prennent leurs décisions, en matière de prix, de qualité et de services, sur des critères éthiques. Une idée mise à mal ces derniers temps, comme en témoigne le scandale de la Barclays et du Libor. La banque a écopé d’une amende de quelque 360 millions d’euros pour avoir manipulé les taux d’intérêts interbancaires – le Libor, rebaptisé par les cyniques «Lie-More» [en anglais, «ment plus»].
«Banksters»
«Nous ne sommes pas les seuls!», s’est défendu le patron de la Barclays avant de démissionner. Son homologue, le PDG de la holding financière JP Morgan, Jaime Dimon, soutient que les banques n’ont guère besoin de réglementations supplémentaires, puisque leurs valeurs éthiques, leurs mécanismes d’autocontrôle et la concurrence garantissent des décisions conformes aux intérêts de la société. Le patron de JP Morgan a pourtant dû justifier des pertes de courtage non déclarées de sa banque. Deux ou cinq milliards de dollars, on ne connaît pas encore le montant exact. Dimon s’est dit indigné par la malhonnêteté des banquiers de JP Morgan (qui ne sont autres que ses employés).
Rajat Gupta, l’ex-patron de la prestigieuse société de conseil McKinsey & Co (qui avait déclaré «nous sommes une entreprise guidée par des valeurs») vient d’être condamné à New York pour avoir divulgué à son complice des informations précieuses et secrètes sur Goldman Sachs, la banque d’investissement dont il était l’un des administrateurs.
Le téléphone, les médicaments et puis quoi encore?
La HSBC aussi fait amende honorable: en 2007 et 2008, sa filiale mexicaine avait envoyé aux Etats-Unis 7 milliards de dollars en coupures provenant vraisemblablement des cartels de la drogue. Et puisque nous parlons du Mexique, selon les données de l’OCDE (une organisation composée des pays les plus riches au monde), les tarifs exorbitants facturés par AmericaMovil, la société de téléphonie de Carlos Slim, coûtent aux consommateurs mexicains près de 22 milliards d’euros chaque année.
Fort heureusement, payer cher un appel téléphonique est moins grave que de prendre un médicament qui tue au lieu de soigner! La société pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) vient de se voir infliger une amende de 2,5 milliards d’euros pour avoir commercialisé des médicaments dangereux, voire mortels. C’est un montant très élevé, qui reste néanmoins bien inférieur aux bénéfices réalisés par l’entreprise en 2011: 6,8 milliards d’euros.
«Caveat Emptor»
Que se passe-t-il? Les comportements commerciaux abusifs et pervers sont-ils devenus monnaie courante? Ou sommes-nous simplement mieux informés de nos jours? Un peu des deux. Une chose est sûre, le vieux principe Caveat Emptor, qui signifie en latin «que l’acheteur soit vigilant», car c’est lui (et non le vendeur) qui doit assumer entièrement les risques de son acquisition, est aujourd’hui plus valable que jamais.
Les enchevêtrements du commerce moderne sont conçus pour désavantager le consommateur. Les boîtes dépensent des fortunes pour inventer des systèmes complexes de motivations et contraintes dont il est difficile de sortir. Nous sommes moins libres et avons beaucoup de mal à nous passer de certains produits ou services et à nous tourner vers la concurrence. Modifier un vol ou résilier un forfait téléphonique est une odyssée dont bien peu de gens viennent à bout sans devoir payer des suppléments – parfois substantiels.
Objectif: «verrouiller» les clients
Nous avons tous eu un jour une mauvaise surprise sur une facture téléphonique ou un contrat de services que nous n’avions pas scruté à la loupe. De plus en plus, les spécialistes du marketing expliquent qu’une entreprise qui réussit est une entreprise qui parvient à fidéliser ses clients. Au point d’en faire des abonnés.
Faire accepter à un consommateur de s’engager dans une relation commerciale permanente où se renouvelle régulièrement (et automatiquement) le système achat-vente, c’est le paradis pour l’entreprise. Si le principe de l’abonnement se limitait auparavant à certains produits et services, tels que les magazines ou la télévision par câble, il s’applique désormais à l’automobile, l’habillement, l’alimentaire…
Dans le même temps, de nouvelles possibilités sont également apparues pour les consommateurs. L’hyper-concurrence permet de limiter les abus, qui deviennent l’apanage des cartels et autres systèmes de positions monopolistiques. Il faut dire qu’ils ne manquent pas (voir les rasoirs mécaniques). Mais il est vrai aussi que dans de nombreux secteurs, des entreprises bien établies et qui dominaient le marché, sont rattrapées par une concurrence de plus en plus rude. En outre, avec l’explosion des moyens de communication, les consommateurs ont accès à une plus grande quantité de renseignements sur les produits et services qu’ils achètent et sur les vendeurs. Barclays et SmithKlineGlaxo en ont récemment fait les frais.
Traduit par Micha Cziffra
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