Saturday, 16 February 2013

* Comment Big Pharma a fabriqué le serial killer Cholestérol

Le Nouvel Observateur
Danois immigré en Suède, Uffe Ravnskov a reçu en 1999 le Prix Skrabanek donné par le très réputé Trinity College de l'université de Dublin qui récompense des contributions originales en matière de scepticisme médical. Son attention s’est portée sur le cholestérol en 1989, quand la campagne contre cette molécule a gagné la Suède. Il est l’auteur des "Mythes du cholestérol".
Comment croire que la communauté des cardiologues et des généralistes puisse se tromper collectivement ?
- La recherche médicale est aux mains de l’industrie pharmaceutique. Pratiquement tous les principaux chercheurs dans ce domaine voient leur recherche financée par l’industrie et celle-ci est très généreuse.

De nombreux chercheurs de par le monde contestent la doxa sur le cholestérol et publient des articles dans des revues haut de gamme comme le "Lancet". Pourquoi les médecins ne sont-ils pas au courant ?
- Parce que les praticiens ne lisent pas les revues scientifiques ; ils écoutent les autorités et les jeunes cardiologues écoutent leurs professeurs et lisent essentiellement les articles qu'ils leur signalent.

Comment en est-on arrivé à une telle perversion du savoir ?
- Avant 1980, les chercheurs qui souhaitaient tester un nouveau médicament recevaient une subvention de celui qui le fabriquait, mais ce dernier ne pouvait en aucune manière influer sur la façon dont le test était mené. La situation a complètement changé.
Les fabricants de produits pharmaceutiques financent les colloques, les ateliers, les conférences, les honoraires des intervenants et des auteurs. Et aussi les frais de déplacement de centaines de médecins et de chercheurs qui participent aux essais cliniques des médicaments. Ce sont les fabricants qui préparent les tests, participent à la sélection des patients. Et ils décident si les conclusions des études doivent être publiées ou pas.

Les études publiées sont-elles fiables ?
- Dans de nombreux cas, ce sont des agences de relations publiques qui les rédigent, puis la firme demande à des chercheurs de renom de mettre leur nom sur la couverture.
De nombreuses revues médicales sont truffées d’articles écrits par les nègres de compagnies pharmaceutiques. Mais leur influence va bien au-delà. Même les universités les plus prestigieuses sont généreusement subventionnées, comme la Harvard Medical School, sponsorisée par une douzaine des plus importantes compagnies pharmaceutiques.
Big Pharma a également colonisé les instituts nationaux de la santé (National Institutes of Health) qui gèrent les subventions et les financements de recherche gouvernementaux. Un nombre important de grands scientifiques complètent un salaire déjà élevé en acceptant de généreux honoraires de conseil et des stock-options de la part de compagnies pharmaceutiques. Les praticiens bénéficient également d’arrangements financiers lucratifs. Par exemple, aux Etats-Unis, ils sont payés 10.000 dollars pour chaque patient qu’ils inscrivent à un test.

Y a-t-il des liens entre les firmes et les hommes politiques ?
- L’industrie pharmaceutique a - de loin -, le plus important lobby à Washington. En 2002, le nombre de lobbyistes était de 675 - plus d’un par membre du Congrès, 26 d'entre eux étant d’anciens membres du Congrès. L’ancien secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, était PDG et président du conseil d’administration de Searle, importante société pharmaceutique tombée depuis dans l’escarcelle de Pfizer.
Mitchell E. Daniels Jr., ancien responsable du budget à la Maison Blanche, était vice-président directeur d’Eli Lilly [firme connue pour son Prozac, NDLR], et le premier président Bush faisait partie du conseil d’administration d’Eli Lilly avant de devenir président. Comme Marcia Angell [ancienne rédactrice en chef du "New England Journal of Medicine", NDLR] en faisait la remarque, "les liens sont si serrés que les réunions annuelles de la PhRMA ressemblent aux réunions au sommet du gouvernement."

Qu’est-ce que la PhRMA ?
- La Pharmaceutical Research and Manufacturers of America. La plupart des compagnies pharmaceutiques américaines en sont membres. Selon sa page d’accueil, cette organisation se targue de réunir "les compagnies les plus en pointe en matière de recherche pharmaceutique et de biotechnologie du pays, dont la vocation est d’inventer des médicaments qui permettent aux patients d’avoir une vie plus longue, en meilleure santé, et plus productive." Vous remplacez le mot "patients" par "médecins et scientifiques, employés ou actionnaires de compagnies pharmaceutiques" et vous êtes probablement un peu plus près de la vérité.

Qui sont les scientifiques qui dictent les normes en matière de cholestérol ?
- Les recommandations pour éviter "le grand tueur" responsable de maladies cardio-vasculaires sont censées avoir été écrites par des scientifiques impartiaux. Nous demandons qu’au moins le patient soit informé quand certains de leurs auteurs ont des liens financiers avec une compagnie pharmaceutique.
Comme le Dr.Grundy, sommité de renommée mondiale en cardiologie, qui a reçu des honoraires de Merck, Pfizer, Sankyo, Bayer, Schering-Plough, Kos, Abbott, Bristol-Myers Squibb, et AstraZeneca; et qui a également reçu des subventions, pour la recherche cette fois, de Merck, Abbott, et Glaxo SmithKline. Et ce n’est qu’un exemple.
Lorsque les recommandations du National Cholesterol Education Program ont été publiées dans la revue médicale "Circulation" en 2004, aucune déclaration financière n’y figurait. A la suite d’une lettre de réclamation de Merrill Goozner du Center for Science in the Public Interest qui mettait en doute les bases scientifiques et l’objectivité des recommandations, les déclarations financières ont été publiées sur le web... mais pas dans la revue, où les recommandations avaient été publiées.

L’un de vos livres intitulé "Ignorez ce qui dérange" a été brûlé en direct à la télévision…
- Mon livre a été traduit en finnois. Peu de temps après qu’il a été publié, j’ai été contacté par la télévision finlandaise. Ils ont envoyé un reporter et un photographe chez moi, en Suède, pour m’interviewer. Lorsque l’émission a été diffusée, chacune de mes interventions étaient suivies de longs commentaires des experts finlandais que j’avais interrogés pour mon livre, et à la fin de l’émission, en plan rapproché, la couverture de mon livre figurant le dessin d’un coeur humain par Léonard de Vinci s’est réduite en cendres.

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