Wednesday, 17 April 2013

* Génération Y = Lost Generation ? Pas forcément

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Pour beaucoup, Fifi Brindacier, la gamine indépendante inventée par la Suédoise Astrid Lindgren, est l’héroïne d’enfance par excellence. On en énumère tous les prénoms et on peut relater sans fin ses bêtises. Fifi fait mauvais effet dans un monde hiérarchisé, de policiers et de maîtresses d’école, car elle fait ce qu’elle veut. Et elle veut s’amuser.

On pourrait parfaitement qualifier la génération des trentenaires qui explorent actuellement avec assurance le marché du travail allemand de “génération Fifi”. Car ils aiment que “la vie vire-virevolte” autour d’eux [comme dans la chanson]. C’est comme si Fifi avait grandi et était entrée dans la vie professionnelle : les ­nouveaux actifs veulent s’amuser, progresser rapidement, passer moins de temps au boulot et encore… sauver le monde.

Prenez Ingo Kucz, 32 ans. Sa fille, 4 ans, ne dort qu’avec un coussin de noyaux de cerise sur le ventre et son grand amour de l’école maternelle s’appelle Simon. Tout cela est très important pour Ingo. Il n’est pourtant ni instit de maternelle, ni prof, ni médecin. Il travaille à la stratégie de la Deutsche Bahn. Son service est en quelque sorte le cerveau externe de Rüdiger Grube, le PDG. Du lundi au vendredi, il planche sur les grandes questions de demain.

Ne pas sacrifier sa vie à son boulot
Le samedi, il construit des jeux en plein air. Le matin, avant de se rendre au travail, Kucz emmène sa fille à l’école et son fils, âgé de 1 an, chez la nounou. Sa femme est déjà au travail. Kucz rentre à la maison à 17 heures : il peut encore passer deux heures avec ses enfants. Ce n’est que dans la soirée qu’il se remet au boulot. Ingo Kucz travaille à plein temps, dans les quarante heures par semaine, parfois plus. “Si je ne pouvais pas avoir une organisation aussi flexible à la Deutsche Bahn, je me chercherais un autre boulot”, confie-t-il. Si ses enfants sont malades, il travaille de chez lui. Ce n’est pas qu’il n’ait pas envie de faire carrière, il est même en train de faire des études de sociologie. “C’est juste que je ne suis pas prêt à sacrifier ma vie à mon boulot et à mon statut social.”

Ce jeune père de famille fait partie d’une nouvelle génération d’actifs, une génération qui veut autre chose : travailler autrement, vivre autrement, être autrement. Pour les historiens américains Neil Howe et William Strauss, c’est la “prochaine grande génération”. Si tout se passe comme le pensent les chercheurs, les personnes nées entre 1980 et 2000 vont peut-être amé­liorer le monde.

Pour le chercheur berlinois Klaus Hurrelmann, il s’agit de la troisième génération depuis 1945 qui fait changer l’Allemagne. Il y a d’abord eu les sceptiques des années d’après-guerre, des hommes sérieux, marqués par les traumatismes et les privations, qui ont reconstruit l’Allemagne. Puis est arrivée la génération Golf, en pleine prospérité. Ses représentants sont combatifs, consommateurs et busy. Et voilà maintenant la génération Y. Elle sait que tout est possible – et que tout est toujours en mouvement. Le problème de ces jeunes, ce ne sont pas les limites mais l’absence de limites. Ils veulent tout et tout en même temps : une famille plus du temps libre, un emploi plus des amis plus du sens. Et ils ne sont pas prêts à faire de compromis.

La génération Y attend de l’entreprise qu’elle change de mentalité et tienne compte de ses désirs. Ces jeunes entendent organiser eux-mêmes leur travail – et de façon souple, constate le cabinet d’audit PwC. Ils remettent en cause les autorités, sauf si le chef les impressionne.

Pas intéressés par le statut social et le prestige
Collégialité et développement personnel constituent leurs priorités. Statut social et prestige figurent au dernier rang d’une liste de 19 points, selon une étude de l’institut berlinois Trendence. Le Y se prononce en anglais comme why, “pourquoi”. Et les enfants du millénaire s’interrogent sur tout ou presque : l’entreprise a-t-elle le droit de nuire à l’environnement ? ce que dit le chef est-il toujours juste et bon ? et pourquoi ne pourrait-on pas concilier famille et carrière ? La génération Y-why est également la génération “pourquoi pas ?”.

Ses membres ont été habitués à avoir constamment le choix. Dès leur naissance, ils ont été soutenus par la génération X et étaient sûrs d’avoir toute l’attention de leurs “parents-hélicoptères” [qui tournoient sans cesse autour de leur progéniture]. Tout bambins, ils avaient voix au chapitre sur la destination des vacances ou sur la voiture qu’on allait acheter. On les a incités à s’épanouir et à réaliser leurs rêves. Et tout ce qu’ils ont connu dans leur enfance, ils l’attendent désormais de leur employeur : attention, assistance, droit à la parole, retour permanent.

Il est possible qu’ils l’obtiennent. Car cette génération possède un pouvoir que leurs parents et grands-parents n’avaient pas : le pouvoir de la démographie, c’est-à-dire de la rareté dans un pays hautement éduqué et économiquement florissant. Nombre de secteurs manquent de main-d’œuvre spécialisée.

Gerhard Rübling, directeur du personnel chez Trumpf, un constructeur de machines, ajoute : “Tant qu’on satisfait leurs exigences, les nouveaux employés sont loyaux à 150 %. Si l’employeur ne remplit plus leurs conditions, ils ­partent sans hésitation.” Les jeunes ne restent plus que dix-huit mois en moyenne, d’après les chiffres de l’Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung (IAB) : si la durée d’activité moyenne des moins de 30 ans était de 814 jours dans les années 1980, elle est passée à 536 jours en deux décennies.

Ingo Kucz ne voulait pas faire de compromis non plus. Avant d’aller à la Deutsche Bahn, il travaillait pour un grand groupe industriel. Les perspectives étaient bonnes, le salaire aussi, mais le style de management ne lui convenait pas : la hiérarchie était pesante et il y avait peu de marge de manœuvre, des instructions au lieu d’explications.

Les grands groupes ont longtemps bien fonctionné en Allemagne avec cette culture d’ordres et d’obéissance et certains font toujours comme ça. Mais les gens comme Kucz refusent ce système : le responsable de la stratégie ne voulait plus être dédommagé pour quelque chose qui était censé lui faire plaisir. Il a démissionné.

Tous les patrons ne se montrent pas forcément compréhensifs face à ces nouveaux arrivants qui se renseignent dès l’entretien d’embauche sur les possibilités de congé sabbatique, de congé parental, de temps partiel et de congés. Ils les considèrent souvent comme des enfants gâtés qui se soucient plus de leurs avantages que de mettre la main à la pâte.

Les enquêtes ne montrent cependant pas que la génération Y en fasse moins : le zèle et l’ambition font partie des vertus les mieux classées par les jeunes d’après l’étude Shell sur la jeunesse de 2010. Les bacheliers sont plus nombreux que jamais, les jeunes font des études plus courtes, plus ciblées et plus efficaces qu’avant. Le parcours des jeunes actifs est truffé de stages, de cours, de séjours à l’étranger et d’engagements sociaux. Les jeunes de la génération Y ne sont pas seulement exigeants vis-à-vis de leur employeur mais vis-à-vis d’eux-mêmes.

Faux-semblants
C’est dans la rue ABC, à Hambourg, que cette tendance s’illustre de la façon la plus spectaculaire. Six lettres de couleurs vives se détachent au n° 19 : “Google”. Le siège allemand du moteur de recherche mondial se trouve là et 350 personnes âgées en moyenne de 35 ans y travaillent. Google représente la couche supérieure de la génération Y, qui s’est créé ici son biotope : un mélange de Disneyland et de management. Les vidéoconférences ont lieu dans des corbeilles de plage géantes, les réunions dans de fausses cabines d’avion. Il y a des couloirs qui ressemblent à des gares de métro. Et à la piscine, on peut se baigner au milieu de cubes de mousse. Un masseur vient trois fois par semaine, une salle de remise en forme propose du yoga, du hip-hop et de la boxe. Tout ça pendant le temps de travail et gratuitement. Les jeunes diplômés du monde entier ont élu Google meilleur employeur au monde pour la quatrième fois de suite.

“Quand je me sens bien, ça profite à l’entreprise”, déclare Eva Krüger, 27 ans. Elle a fait des études d’économie des médias et de communication, puis travaillé dans le marketing en ligne chez l’éditeur Gruner + Jahr. Aujourd’hui, elle aide les clients du secteur de la mode à placer leurs annonces chez Google. “Nous ne sommes pas un parc de loisirs. Nous avons tous nos objectifs, que nous nous fixons tous les trimestres et que nous voulons atteindre, confie-t-elle. Ici on ne me paie pas pour rester assise sur ma chaise mais pour ma créativité.” Tout le monde chez Google fait preuve d’un grand zèle, car celui qui n’atteint pas ses objectifs se retrouve vite chassé de ce paradis coloré de la performance. Cela explique que personne ne danse ni ne boxe dans la salle de sport le vendredi après-midi où nous passons par là.

Eva Krüger est toujours sur le pont. “Work is not a job” [le travail, c’est pas un petit boulot], déclare-t-elle en s’extasiant sur le “Google spirit” et la “mentalité ‘toujours prêt’” dans laquelle elle baigne. Son travail est pour elle une partie de sa personnalité, ce qui explique pourquoi elle ne peut pas dire combien d’heures elle effectue par semaine ni où ­exactement se situe la frontière entre travail et vie privée. Reste à savoir si l’on a encore envie de s’asseoir sur des cubes de mousse à 40 ou 50 ans et si le monde pittoresque de l’impitoyable groupe mondial n’est pas un système habile destiné à contraindre les gens à s’exploiter eux-mêmes et à plonger les gamins de la génération Y dans une chambre d’enfant éternelle où on leur pompe inlassablement leur créativité.

Ingo Kucz, le père de famille, ne pourrait pas vivre comme ça. Il a cependant une chose en commun avec Eva Krüger : tous deux font beaucoup plus que ce qu’on leur demande. “Avant, on récompensait la performance par des promotions”, déclare Wilfried Porth, le directeur du personnel de Daimler. Aujour­d’hui, le sentiment d’être utile fait partie du salaire. Les jeunes ne viennent que s’ils peuvent créer quelque chose et améliorer le monde. Heureusement, Daimler a la voiture électrique. Les candidats se renseignent souvent sur ce sujet, car ils veulent contribuer à rendre l’automobile de demain moins nuisible à l’environnement.
Qu'est-ce que ça va m'apporter personnellement ?
La génération Y est manifestement suspecte pour Wilfried Porth. Ils ne sont plus vraiment mobiles, estime-t-il, ils refusent souvent une mutation parce que leur conjoint ne souhaite pas bouger ou parce qu’ils ne sont pas vraiment intéressés par la progression et le pouvoir. Les jeunes Chinois et les jeunes Indiens qu’il rencontre sont très différents, “bien plus ambitieux !”

Chez McKinsey, un cabinet de consultants en entreprise très convoité, on a toujours mis en avant la journée de travail de seize heures mais les mentalités commencent à changer. “Les candidats veulent souvent savoir : qu’est-ce que ça va m’apporter personnellement ?” explique Thomas Fritz, le directeur du recrutement responsable des nouveaux arrivants. Puis viennent des questions comme : est-ce que je pourrai avoir un vélo au lieu d’une voiture de fonction ? est-ce que je peux prendre le train au lieu de l’avion ? Les conseillers ont en moyenne une trentaine d’années. Pour retenir les meilleurs, des salaires d’entrée attrayants ne suffisent pas ; McKinsey offre donc du temps : la société propose un break de trois mois à ses salariés. Un consultant sur six a profité de cette offre l’année dernière.

Les vieux géants de l’industrie doivent eux aussi se faire beaux pour attirer cette nouvelle génération. Le premier mot qui vient à l’esprit du chargé de recrutement Jörg Leuninger pour qualifier la génération Y, c’est : “indépendante”. Sa première impression : “Un choc.” Leuninger a 41 ans mais sa société en a bien cent de plus. Quand il est entré à BASF, voilà douze ans, se retrouver dans une entreprise aussi géniale était censé suffire à son bonheur. Il y a trois ans, ce brave soldat s’est retrouvé au milieu d’un événement destiné aux jeunes diplômés, et le ton était bien différent. “Les étudiants ont bombardé les dirigeants du groupe et les directeurs d’usine qui étaient présents de questions critiques et directes sur la stratégie de l’entreprise. Ils voulaient savoir si l’industrie chimique était vraiment durable.”

Parlons-nous seulement de diplômés de l’enseignement supérieur, de boursiers et d’héritiers, bref d’une élite qui s’est d’abord fait dorloter par ses parents pour se faire maintenant chouchouter par l’entreprise ? Non. Bien sûr, un cinquième de la génération Y ne possède aucun diplôme et a, selon Hurrelmann, de très mauvaises perspectives professionnelles. Ces perdants comptent un nombre notable de jeunes hommes. Avant, ils auraient trouvé un emploi de travailleur non qualifié, aujourd’hui ils restent plantés devant la télévision ou l’ordinateur parce que plus personne n’a besoin d’employés sans qualification. Cela posera un jour un problème à la société. En revanche, tous les autres veulent travailler – mais autrement.

Les apprentis sont eux aussi courtisés. Le nombre de jeunes quittant l’école sans baccalauréat a considérablement baissé depuis six ans pour passer de plus de 700 000 à environ 550 000. Les entreprises de province commencent à proposer aux éléments exceptionnels des voitures de fonction. Les apprentis eux-mêmes ont aussi des attentes complètement différentes désormais, constate-t-on chez Trumpf. Il y a cinq ans, tout ce qu’ils souhaitaient, c’était s’installer à l’établi et fraiser, chacun pour soi. Aujourd’hui, ils veulent travailler en groupe. Les jeunes ont compris les ­possibilités qu’offre le système éducatif. Dans les entretiens d’embauche, ils posent des questions sur leur carrière. Avant, si tout se passait bien, ils devenaient techniciens qualifiés. Aujourd’hui, ils veulent savoir s’ils pourront faire un doctorat en commençant comme mécaniciens. Et c’est possible.

La génération Y arrache à l’entreprise des gages pour sa qualité de vie, notamment parce que les employeurs ne peuvent et ne veulent plus promettre un emploi à vie. Auparavant, le pacte était le suivant : je me mets à votre service et vous me garantissez stabilité et progression. La génération Y n’attend plus de promesses parce qu’elle sait que l’économie mondialisée est précaire. Elle ne veut pas perdre au change. Et elle a raison.
La qualité de vie comme priorité
Qu’est-ce que ça signifie pour l’économie ? Dans ce monde concurrentiel, les jeunes vont-ils gâcher la prospérité que leurs aînés ont atteinte ? Ou peuvent-ils créer une économie durable avec une croissance qualitative qui épargne l’environnement et améliore la qualité de la vie ? Les entreprises doivent se transformer complètement pour que la révolution des jeunes réussisse et qu’ils deviennent véritablement une “grande génération”. Elles doivent s’organiser de façon très flexible et offrir à leurs collaborateurs un véritable équilibre entre métier et temps libre, entre développement individuel et moralité. Certaines sociétés le font déjà. Chez Trumpf, par exemple, les salariés peuvent redéfinir leur durée de travail hebdomadaire tous les deux ans, en fonction de leurs besoins personnels et de leurs envies.

Cette transformation pourrait en valoir la peine. Car les jeunes ont des choses à offrir pour résister aux Indiens et aux Chinois. Pour eux, l’égalité des sexes est une évidence, de sorte que beaucoup de femmes très qualifiées peuvent se retrouver là où on a besoin d’elles : aux postes de direction. Les économistes sont pratiquement unanimes à déclarer que, si ce sont vraiment les meilleurs hommes et femmes qui arrivent au sommet, la prospérité augmentera. Les membres de la génération Y se comportent parfois comme des gosses qui ne veulent pas grandir mais ils sont ouverts sur le monde, engagés et créatifs. Dans une économie mondiale où les idées comptent souvent plus que les produits et où la nouveauté naît de plus en plus sur les réseaux sociaux, ce ne sont pas de mauvaises choses.

2 comments:

  1. Great ideas and developments! These are in 'developed countries'. How about those countries where it is a constant struggle for survival? How about those where inequality, exploitation and suppression are the order of the day? And where the spirit of 'consumerism' is being promoted through the media?
    Global development will be possibly meaningful if we try to understand why we behave as we do, and what is the place of Nature in our existence
    Soodursun Jugessur

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  2. Absolutely. The pattern does not seem to be defining the mainstream of countries like Mauritius.

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