Tuesday, 1 December 2015

Fatima Mernissi, une lumière s'est éteinte

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Nadia Lamlili

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La sociologue et militante marocaine Fatema Mernissi s'est éteinte lundi 23 novembre à l'âge de 75 ans, laissant derrière elle une oeuvre universelle sur l'islam, le féminisme et la modernité.

Ses invités ont toujours été accueillis selon les bonnes traditions marocaines : du thé à la menthe fumant, accompagné de galettes et de crêpes assaisonnées de miel. Elle apparaissait dans une de ses tenues excentriques, inspirées de l’artisanat marocain. Il n’y avait que Fatema Mernissi pour oser porter, même dans une manifestation officielle, un seroual noir, une tunique mauve et une écharpe rose bonbon nouée autour de sa tête. Une princesse d’Orient sous ses plus beaux atours, une Shéhérazade qui se prélassait sur ses coussins, prête à raconter à ses invités ses mille est une aventures, précieusement consignées sur des feuillets, dans un sac à bandoulière qui ne la quittait jamais.

De son sac, elle sortait toutes ses petites trouvailles dans les kiosques du quartier Agdal où elle habitait (au centre de Rabat) : des coupures d’articles de presse qui avaient attisé sa curiosité, le livre d’un écrivain anonyme à qui elle prédisait un bel avenir, un bibelot trouvé dans un souk… Celle dont la maison ne désemplissait jamais s’est éteinte en silence, laissant derrière elle une oeuvre prolifique traduite en 25 langues et une vive émotion au Maroc et ailleurs.

Fatema l’humaniste
De Fatema Mernissi, la première sociologue du Maroc contemporain, on connaît surtout la visionnaire qui avait prédit le rôle des réseaux sociaux dans les révolutions arabes de 2011, la militante à la parole incisive. Mais on connaît moins l’humaniste qui sillonnait le Maroc profond à la quête « de talents à dévoiler ». Grâce à elle, beaucoup de femmes artisanes, recluses dans leurs campagnes, ont pu être reconnues dans leur créativité.

Tapissières, couturières, bijoutières… Elle leur ouvrait son carnet d’adresse et exposait leurs œuvres dans son salon qui voyait défiler du beau monde. Ses livres étaient souvent préfacés par l’oeuvre d’un artiste inconnu : une toile, la photo d’un bijou, d’un tapis… Une manière pour elle de propulser une artiste au devant de la scène. Pour les jeunes écrivains, elle organisait bénévolement des ateliers d’écriture afin de les aider à « tisser » leurs romans. « Un roman, c’est une oeuvre de tapisserie ; on le tricote ; on le brode », leur disait-elle.

Harem oriental et harem occidental
Son thème de prédilection était la déconstruction de l’image « fantasmée » qu’a l’Occident de la femme arabe. Dans Sexe, idéologie et Islam (Editions Tierce, 1983) , son oeuvre la plus lue, ou Rêves de femmes (Albin Michel, 1996), elle a battu en brèche la conception européenne du harem, appuyé par les peintures de Delacroix, Matisse, Picasso ou Ingres, dans lequel évolueraient des femmes nues lascives, sans voix, presque sans raison d’exister à part celle de nourrir un fantasme sexuel.

A l’opposé de ce schéma, les héroïnes de Fatema Mernissi sont intelligentes et usent de mille et un stratagèmes pour changer leur destinée et conquérir le pouvoir. Au harem oriental, l’écrivaine opposait le harem occidental où les femmes sont assujetties au diktat de la taille 38 ; « la dictature de l’image de la minceur », selon ses propres mots.

Déployant ses talents de conteuse, elle écrivit en anglais « Shéharazade goes west » (Pocket Books, 2001), traduit en français Le Harem et l’Occident (Albin Michel, 2001). Un livre dans la lignée des Mille et une nuits, où elle appellait les femmes de l’Orient et de l’Occident à agir par les mots pour contrer la violence qu’elles subissent.

Aujourd’hui, la Shéhérazade marocaine a cessé de parler, mais son oeuvre n’en finit pas d’inspirer les jeunes générations.

The Huffington Post
Katherine Marshall, Senior Fellow, Berkley Center for Religion, Peace, and World Affairs at Georgetown University

Fatima Mernissi, a great woman and a dear friend, died in Morocco. She was the supreme scholar/activist, a sociologist and gifted writer and someone determined to advance the cause of the disadvantaged, and especially women. Fatima was a courageous and creative fighter, fearless in confronting folly, tireless in seeking ideas and new paths.

Fatima is best known internationally as a sociologist and feminist. She was absolutely intolerant of intolerance, a staunch defender of Islam and of women's rights and roles in Islam. She accepted no contradiction between them. Among her many books are Beyond the Veil, Scheherazade Goes West, and Islam and Democracy: Fear of the Modern World.

I stumbled across ten inspirational quotations from Fatima that resonate far beyond Morocco in these troubled times (my translations from the French). Her own words are her finest tribute.

• Reason is God's most precious gift to humans. Its best use is to search for knowledge. To appreciate the human environment, that is, earth and the galaxies, is to know God. Knowledge (science) is the best form of prayer.

• Dignity means to have a dream, a powerful dream that gives you a vision, a world where you have a place, where you engage, no matter in how small a way, in changing something.

• Everyone has treasures hidden in themselves. The only difference is that some succeed in exploiting them, while others do not. Those who do not succeed in discovering their precious talents are miserable throughout life, sad, awkward with others, and often aggressive. It is vital to develop and use your talents to give, share, and shine.

• Writing is one of the most ancient forms of prayer. To write is to believe that communication is possible, that other people are good and that you can awake their generosity and their desire to be better.

• If women's rights are problematic for some modern Muslim men, it is not because of the Qu'ran, nor because of the Prophet [Mohammed], and still less because of Islamic traditions. It is simply because these rights are in conflict with the interests of a masculine elite.

• You have to learn to shout and to protest exactly as you learn to walk and to speak. If you cry when someone insults you it's as if you are asking for more.

• Words are like onions, it seems to me. The more you dare to cry, the more you realize what it is about. And when you begin to find some meaning, true and false no longer have much sense. [From Women's dreams: a childhood in the harem]

• Maturity is when you begin to feel the passage of time as a sensual caress.

• Nature is woman's best friend. She [Yasmina] often says "If you meet problems, you can swim in the water, stretch out in a field, look up to the stars. That's how a women confronts her fears."

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